Récits de filiation : une épiphanie de l'insaisissable.


Depuis la fin du XXème siècle, certains écrivains, orphelins des grands récits humanistes, des traditions familiales, comme d'une communauté perdue et marqués par la rupture de la modernité, ont réinvesti le temps des origines en cherchant dans leur ascendance une part enfouie de leur identité inquiète, incertaine. Désignés par Dominique Viart – penseur avisé de l'écriture contemporaine – comme des « récits de filiation », leurs textes empruntent au roman familial ou au roman des origines certaines formes de narration ; mais ils s'en distinguent souvent, préférant s'écrire depuis le présent sous la forme d'une enquête fragmentaire et inachevée plutôt que de raconter l'histoire chronologique d'une famille.

Hanté tout autant par les failles d'une transmission familiale et les lacunes historiques que par les silences et les secrets familiaux, le désir d'élucidation porté par ces enquêtes généalogiques reste sans cesse traversé par une interrogation critique du passé et de la mémoire. Dans le miroitement entremêlé des archives, des souvenirs et des fictions, l'écriture de soi devient en même temps une archéologie de la perte et une épiphanie de l'insaisissable. « Notre héritage n'est précédé d'aucun testament. » avait écrit René Char : c'est à cela que nous invite à méditer chacun de ces récits de filiation.

Patrick Amar

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