Le Monstre apparaît dans l'imaginaire collectif comme une créature à la morphologie anormale composée d'éléments disparates. Si la laideur produite par cette difformité suscite la répulsion, il se distingue surtout par ses vices et sa cruauté, devenant ainsi, au fil de l'Histoire, l'incarnation terrifiante du mal et de la perversion.
Produit d’un environnement contre lequel il se définit, le monstre s'alimente des craintes et des ressentiments de son époque. Il compose les histoire pavant les récits civilisationnels, tout autant que les quotidiens. Voisin ingrat, parent bestial, part sombre d'un "nous" complexe, il est plus proche qu'on ne le voudrait et suscite une angoisse profonde, mettant en péril notre existence autant que notre place au sein du groupe. Opposant politique, criminel, terroriste isolé ou organisation ennemie, son rejet consensuel et massif peut mener aux plus grandes violences mais rarement il questionne notre rapport au réel.
Car nous sommes souvent prêts à tout pour éviter de nous confronter à notre âme, cet étranger inconnu qui nous scrute dans le noir. Nous préférons vomir sur le monde notre part d'ombre à travers d'horribles fétiches irriguant chaque soir nos chaînes d'informations en continu. Renversant ce processus morbide, la littérature et plus particulièrement le roman noir, mobilise notre besoin insatiable de diversion, notre fascination douteuse pour nous confronter à la dimension universelle du monstrueux et à la responsabilité collective de sa genèse.
