Fiche numéro : 44
Septembre 2023 - Mishima
Fiche n°44 – Septembre 2023
Titre original : Kinkaku-ji
Année de publication originale : 1956
Éditions Gallimard, 1961 et Folio, 1975 pour la présente édition. Traduit du japonais par Marc Mécréant
Kyoto 1950, un jeune moine désabusé met le feu au vénérable Pavillon d'or construit en 1397. À partir de ce fait divers, Mishima esquisse un subtil roman d'initiation : Mizoguchi, chétif et bègue, apprend tôt à se taire et nourrit une colère sourde. À sa mort, son père le confie au prieur du Temple d'or où tant de beauté et de dorures sidèrent son âme tiraillée de futur bonze. Complexé dans sa chair, épris de beauté mais la recevant comme une injure, il sombre dans un délire paranoïaque qui accentue sa propre laideur physique et spirituelle jusqu'à rendre le sanctuaire responsable de tous ses malheurs. Mishima fait de son antihéros un être qui n'éveille aucune empathie. Distance qui reste la meilleure manière d'apprécier ce récit complexe et remarquable dans son ambivalence. On devine ici et là un Japon d'immédiate après-guerre, ruiné, gangrené par le marché noir et humilié par l'occupation américaine. L'auteur, âgé alors de 25 ans, impressionne dans cet ouvrage par la grâce de son écriture. Il émane de ces pages une puissance érotique qui leur confère toute leur universalité.
L'auteur :
Yukio Mishima naît à Tokyo en 1925. Après des études de droit, il se consacre à la littérature et publie à 24 ans Confessions d'un Masque, une manière d'autobiographie qui lui apporte scandale et notoriété en révélant un double fictionnel qui se bat continuellement contre ses penchants homosexuels. De 1949 à 1970, il écrit une quarantaine de romans, des essais, du théâtre, des récits de voyage et un nombre considérable de nouvelles reflétant la diversité des univers qu'il dépeint. Hommes d'affaires et leurs épouses, geishas, gens du peuple, vieux prêtres ou soldats composent un Japon moderne en butte à ses traditions séculaires. En 1970, en pleine gloire, il se donne la mort par seppuku, au terme d'une tentative politique désespérée qui frappa l'imagination du monde entier.
Mishima fut un grand admirateur de la tradition japonaise classique et des vertus des samouraïs. Dans ses œuvres il a souvent dénoncé les excès du modernisme et donné une description pessimiste de l'humanité.
Extrait :
« Tout à coup me revint en mémoire ce que Kashiwagi m'avait dit le jour de notre première rencontre : c'est par un paisible après-midi de printemps, sur une pelouse tondue de frais, à l'instant où nous suivons d'un regard distrait les jeux d'un rayon de soleil à travers les branches, que la cruauté fait irruption dans nos âmes. »
Fiche rédigée par Stéphane Prieur