Fiche numéro : 8

Charles Dobzynski

L'auteur du mois est vincennois!r
Charles Dobzynski est né en 1929 à Varsovie.
Sa famille émigre en France lorsqu'il a un an. Durant la Seconde Guerre mondiale, il vit caché pour échapper à la déportation. Précoce, il publie son premier poème en 1945 dans un journal de la Jeunesse juive de France issu de la Résistance (Jeune Combat). Il devient journaliste à partir de 1950 au quotidien Ce Soir puis aux Lettres Françaises qui publient ses premiers poèmes présentés par Paul Éluard et où il exerce la critique de cinéma. Aragon et Elsa Triolet préfacent deux de ses recueils. En 1972, Charles Dobzynski entre à la revue Europe. Secrétaire, il en est ensuite le rédacteur en chef. Aujourd'hui il continue d'y publier une chronique mensuelle de poésie. Collaborant avec de nombreuses revues, il va devenir membre de l’Académie Mallarmé et président du jury du prix Apollinaire.
Charles Dobzynski est l'auteur d’une trentaine d’ouvrages de poésie et d'une dizaine de romans, récits et recueils de nouvelles. Il a également publié des essais et diverses traductions (Rilke, Hikmet, Maïakovski, entre autres) et tout particulièrement une Anthologie de la poésie yiddish plusieurs fois rééditée. Le Ministère de la Culture lui a décerné la distinction de Chevalier des Arts et Lettres et, le 7 février 2006, la bourse du Goncourt de la poésie lui est remise, récompensant l'ensemble de son œuvre.


INTERVIEW:

A quand remonte votre amour des mots?

Je crois que cela remonte à ma toute petite enfance. J'ai commencé à lire beaucoup, dès l'école communale, dévorant des œuvres entières, notamment celles de Dumas et Jules Verne. Pendant l'Occupation, dans la ferme du Loiret où ma mère et moi étions cachés, j'ai commencé à écrire des poèmes, inspirés de mes souvenirs de Hugo et de Banville. Mais ce n'étaient que des pastiches, comme le roman que j'ai écrit sous le titre La Nouvelle Atlantide, qui se souvenait bien sûr de Pierre Benoît.


Quels sont les livres et les auteurs qui vous ont le plus marqué?

Il faut commencer par Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont que j'ai découverts en mon adolescence au sortir de la guerre. Je suis devenu amoureux fou des surréalistes, plutôt Eluard, Aragon, Soupault et Desnos que Breton que j'ai aimé plus tard. Une des icônes principales de cette époque, c'est Henri Michaux, qui m'a suivi toute ma vie avec son Plume inoubliable, Epreuves, exorcismes, Au pays de la Magie, etc. Michaux pour moi s'accordait à une autre passion: celle de Kafka, puis de Borgès. Je suis à vingt ans devenu l'ami de Paul Eluard, qui m'a fasciné, puis d'Aragon qui est devenu mon patron dans le journalisme, à Ce Soir, puis aux Lettres françaises, sans cesser d'être mon mentor. Grande amitié aussi avec Tristan Tzara, qui n'était plus dadaïste, mais restait le grand poète de L'Homme approximatif. J'ai été un passionné de la poésie espagnole (Lorca, Alberti) et de la poésie latino-américaine. Grand coup de coeur notamment pour Pablo Neruda, Roberto Juarroz, Octavio Paz, sans parler de l'amitié qui m'a lié au grand Guatémaltèque Miguel Angel Asturias qui préfaça mon premier livre de nouvelles Couleur Mémoire.
On ne saurait d'autre part ne pas mentionner mon goût de la science-fiction qui m'a conduit à lire des centaines d'ouvrages, parmi lesquels mes préférés sont ceux de Bradbury, Herbert, Asimov, etc. J'ai d'ailleurs écrit moi-même plusieurs livres de S.F., en prose ou en vers, comme L'Opéra de l'espace.


Qui d'après vous représente la relève, ces écrivains ou poètes d'aujourd'hui dont on se souviendra longtemps?

Difficile de répondre à cela, malgré le flot des lectures de poésie que m'impose ma chronique d'Europe et ma présidence du prix Apollinaire. Il ne se passe pas de jour où je ne reçoive un ou plusieurs recueils. Parmi les plus jeunes il est toujours malaisé de distinguer ceux qui sont les plus prometteurs. Je ne m'y risquerais donc pas, sauf pour signaler deux ou trois de ceux dont j'ai remarqué le talent singulier: Jean-Baptiste Para, Gérard Cartier, Jacques Ancet, Jean-Marie Barnaud, Jean-Pierre Siméon, notamment. Dans la génération qui les a précédés, ma préférence va à Marie Etienne, Franck Venaille, Marie-Claire Bancquart, Lionel Ray et surtout Bernard Noël pour qui j'ai une immense admiration.


Comment envisagez-vous l'avenir du livre?

Vaste problème! On s'oriente vers la lecture des livres numériques dont je ne suis pas sûr qu'ils constituent un progrès mais une lecture plus ou moins digest. On accumule des signes. Les lira-t-on vraiment? La lecture suppose la réflexion, la pause, la concentration, l'arrêt sur la page comme il y a l'arrêt sur image. Une page imprimée est un territoire que l'on parcourt, que l'on sillonne. Le numérique est une surface qui fatigue le regard. Mais il est possible que les nouvelles générations s'y adaptent comme à l'internet et aux jeux vidéos. Pour moi, ce qui importe c'est lire, en premier lieu. Lire, c'est non seulement apprendre, mais découvrir, rêver, entrer jusqu'au bout dans la langue, notre mère à tous. Rien ne remplace la lecture, sans laquelle on aboutira à une sous-culture pour idiots béats.






Quelques ouvrages récemment parus:

J'ai failli la perdre, poèmes (La Différence)

[Le bal des baleines->http://www.librest.com/tous-les-livres/le-bal-des-baleines-et-autres-fictions,1191695-0.html], recueil de nouvelles (Orizons)

[Je est un juif, roman->http://www.librest.com/tous-les-livres/je-est-un-juif-roman,1191694-0.html] en vers (Orizons)

La mort, à vif, poèmes (L'Amourier)