Fiche numéro : 34
Été 2022 - Bourdouxhe
Fiche n°34 – Été 2022
La femme de Gilles de Madeleine Bourdouxhe
Année de première publication: 1937 à la NRF Gallimard
Éditions Zoé, 2022 pour la présente édition
Élisa est une jeune femme de condition modeste originaire du Nord. Elle a deux enfants et en attend un troisième. Mais ce qu'Élisa attend surtout, c'est Gilles, son mari, qui rentre le soir après son travail à l'usine. Toute la vie d'Élisa, faite de tâches ménagères, est située dans l'attente.
Élisa aime Gilles d’un amour absolu, inconditionnel. Ce qui la constitue d'ailleurs en tant que telle, c'est cet amour pour Gilles. Mais un jour Gilles la trompe et le lui confie... Texte d'une étonnante modernité pour le contexte de l'entre-deux-guerres, La femme de Gilles nous raconte ces femmes dévouées corps et âme à leur mari ; celles qui ne se définissent que dans leur relation maritale. L'amour d'Élisa est entier, et c'est précisément dans cet absolu que le déséquilibre se joue. La femme n'est tout et que « femme de » tandis que le mari, lui, est aussi « homme ».
Aimer jusqu'à l'abnégation, peu importe l'humiliation, la honte, la solitude et l'attente. Voilà le sujet de ce sublime roman dont vous tomberez, sans aucun doute à votre tour, éperdument amoureux.
L'autrice :
En 1936, Madeleine Bourdouxhe, d'origine belge, envoie son manuscrit à l'influent écrivain et éditeur Jean Paulhan chez Gallimard. Ce dernier en fait une lecture enthousiaste et décide de l’éditer. Pourtant prolixe dans l'écriture, Bourdouxhe ne publiera que cinq romans. Engagée dans la Résistance pendant la guerre, elle refuse de continuer à publier chez son premier éditeur alors sous tutelle nazie. Bien qu'amie de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, elle décide de s'éloigner du milieu littéraire – c'est probablement ce qui lui vaut de tomber dans l'oubli pendant près de trois décennies. Redécouvert par les courants féministes dans les années 1980, La femme de Gilles est alors réédité, lu par un plus large public et reprend la place de ces œuvres intemporelles capables de traverser les générations sans prendre une ride.
Extrait :
« Alors, dans la misérable clarté de la veilleuse, il verrait, penché sur lui, une femme échevelée, au visage tuméfié, au corps déformé gonflant une triste chemise de nuit en flanelle, et qui n'aurait trouvé pour le retenir qu'une douleur profonde et maladroite. De plus, elle sentait les larmes. Elle en retrouvait le goût sur ses lèvres et ses mains ; ses cheveux, tout son visage, ses bras, son linge en étaient imprégnés. Et elle pensa que l'odeur de la souffrance dégoûte toujours un autre.
Il fallait donc rester bien tranquille... les bras collés au corps... Elle ne bougea plus. »
Fiche rédigée par Brindha Seethanen