Fiche numéro : 28
Janvier - von Kleist
Fiche n°28 – Janvier 2022
Penthésilée
de Heinrich Von Kleist
Année de publication originale : 1808
Traduit de l'allemand pour la présente édition par Julien Gracq en 1954 aux Éditions Corti
La mythologie des Amazones et sa reine Penthésilée, que ce soit chez Homère ou Marie Dilasser (et son Penthésilé.e.s), a toujours fasciné. Kleist reprend cette figure féminine forte à son tour et a vu sa pièce traduite de nombreuses fois par la suite.
La pièce met aux prises les armées grecques et celles des Amazones, les hommes contre les femmes. On retrouve cette dualité dans la joute amoureuse et passionnée que se livrent Achille et Penthésilée et sur le champ de bataille dont Gracq dit qu'il pourrait aussi bien être un « un lit bouleversé ». Les personnages de Kleist sont fascinés, débordés par leurs passions. Les affects prennent le pas sur la raison et dans un retournement magistral par rapport à sa mythologie d'origine, Penthésilée déchiquette Achille, l'Invincible, consumé et consommé par cet amour.
Chef d’œuvre du romantisme allemand, cette pièce exigeante est traduite par Julien Gracq, qui se permet quelques libertés. Sa préface, un modèle du genre, rend hommage à cette pièce extraordinaire et à son auteur.
L'auteur :
Plus connu pour Michael Kohlhaas, l’œuvre de Heinrich Von Kleist est essentiellement constituée de pièces de théâtres, de nouvelles et de récits. Pendant les guerres napoléoniennes, il s'engage dans l'armée prussienne. On retrouve cette influence militaire dans nombre de ces œuvres. C'est aussi un esprit torturé, et Von Kleist tombe en profonde dépression après avoir lu la Critique de la Raison pure de Kant.
Grand auteur du romantisme allemand, il a cherché de longues années à se faire adouber par Goethe, sans succès. Il faudra attendre Nietzsche et Wagner pour qu'il soit réhabilité dans le paysage littéraire allemand. Comme le note Gracq : « Kleist est un anti-Goethe, il est peut-être le représentant le plus remarquable de cette seconde vague du romantisme allemand contre laquelle Goethe s'est regimbé, par laquelle il s'est senti débordé ».
En 1811 il met fin à ses jours avec sa maîtresse juste après avoir envoyé une lettre à sa femme lui expliquant en détail les raisons de son suicide.
Extrait de la préface :
« Il n'y a pas de place dans les personnages de Kleist pour ce besoin obscur de communion. Ils sont trop pleins, trop durs, trop brûlants, trop fascinés (…). Leurs actes comportent une plénitude d'être, une faculté de décharger la totalité de leur énergie dans l'instantané devant laquelle même la compréhension silencieuse, même la sympathie muette, paraîtraient encore bavardes. »
Fiche rédigée par Clément Houdart