Fiche numéro : 55
Octobre 2024 - Sabato
Fiche n°55 – Octobre 2024
Le tunnel d'Ernesto Sabato
Année de publication : 1948
Éditions du Seuil, collection "Points", 1995 pour la présente édition
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Michel Bibard
Tout commence par le regard attentif d’une femme sur une toile. Derrière elle, un autre regard, celui de l’artiste soudain convaincu d’avoir été compris pour la toute première fois. Ce moment ouvre une brèche dans le tunnel sombre qu’est l’existence de Juan Pablo Castel. Rien ni personne n’avait jamais trouvé grâce à ses yeux, et à cet instant, Maria Iribarne devient malgré elle la raison d’une obsession qui bientôt lui coûtera la vie.
Ce récit d’une intimité accablante est une plongée dans l’esprit égotique d’un homme n’envisageant la femme que comme une réification de ses désirs et ses aspirations, trompant le monde autant que lui-même. Ce portrait, à n’en pas douter, est celui outrancier d’un féminicide et non celui d’un crime passionnel. Avec ce texte dont Camus salua le génie, Sabato nous offre une intrigue psychologique envoûtante d’un existentialisme sanglant.
L'auteur
Ernesto Sabato ne s’est pas toujours destiné à l’écriture romanesque. Né en 1911 à Buenos Aires, il suit d’abord de brillantes études de sciences physiques et de philosophie puis s’envole à Paris où en parallèle de ses cours il compose des poèmes aux côtés des surréalistes. De retour en Argentine, il abandonne ses travaux sur la relativité pour l’écriture d’articles littéraires qui lui vaudront les foudres du pouvoir péroniste. Déplorant la neutralité morale du champ scientifique, il se consacre alors pleinement à l’écriture littéraire et politique, critiquant les dérives du monde moderne. Auteur de seulement trois romans, il marquera durablement la littérature argentine par un style incisif, soucieux d’incarner au mieux les passions humaines dans ce qu’elles ont de plus destructrices.
Citation
« Et pourtant elle savait que j'avais besoin d'elle, que je l'avais attendue aujourd'hui, que j'avais horriblement souffert à chaque minute de l'inutile attente. Et pourtant elle savait qu'en ce même instant où elle goûtait le calme du soir, je devais me torturer dans un minutieux enfer de raisonnements et d'imaginations. »
Fiche rédigée par Maxime Guenegou