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La couleur de l'aube

La couleur de l'aube

de Yanick Lahens

chez SABINE WESPIESER

Paru le 07/04/2016

10,00€ Disponible sur commande
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Chronique de Pascal Thuot

Du 06/04/2016


Haïti, aujourd’hui. Mais où est donc passé Fignolé, le jeune frère tant aimé, le militant des causes justes, disparu cette funeste nuit d’échauffourées à Port-au-Prince ? Ses deux sœurs loin de se résigner le cherchent – Joyeuse aussi libre et sensuelle qu’Angélique semble austère, effacée, dévouée à sa famille et à son peuple en souffrance – se relaient pour dire « le sauve-qui-peut quotidien », « la banalité quotidienne du désastre » sur cette île oubliée de Dieu, en proie aux désordres et à la misère.


On ne peut évoquer ce roman sans frissonner. Les mots dont nous ferons usage pour encenser ce texte paraîtront bien pâlots au regard de l’incandescence poétique et de la précision classique de la langue que nous offre Yanick Lahens. A l’instar des sortilèges du Vaudou, La couleur de l’aube capture le lecteur, le rend attentif au moindre bruissement des mots, l’enveloppe de sa colère et de son formidable appétit de vie.


On pense en pagaille aux grands noms de la littérature des Caraïbes : Aimé Césaire, Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau, mais aussi à l’incomparable Toni Morrison. On se dit surtout qu’on vient de lire un roman inoubliable de sincérité.


Angélique se lève tous les matins la première, dans la petite maison des faubourgs de Port-au-Prince qu'elle partage avec sa mère, sa soeur Joyeuse, et son jeune frère Fignolé. Dans l'aube grise de février, l'inquiétude l'étreint : Fignolé n'est pas rentré et les tirs n'ont cessé de gronder au loin. Angélique la sage est une fille soumise, une soeur exemplaire, une femme de presque trente ans en apparence résignée. Joyeuse, la belle, la sensuelle, n'a pas abdiqué, elle, sa liberté, sa révolte, son désir de bonheur et d'une vie meilleure, malgré la misère, la violence, les rackets et les enlèvements qui sont lot quotidien. Épaulées par leur mère, figure protectrice et pivot du foyer, à l'image de ses chères divinités vaudou, les deux femmes tentent de retrouver la trace du jeune homme. Au fil de la journée et de leur enquête, Angélique et Joyeuse, en réalité les deux visages du même désespoir, dessinent de la ville une géographie apocalyptique. Fignolé, militant déçu du parti des Démunis, s'est perdu dans les méandres d'une impossible lutte. Yanick Lahens, dépeignant le destin d'une famille hélas ordinaire, construit l'allégorie d'un pays - Haïti sous Aristide, qu'elle ne nomme jamais - où la monstruosité est loi. Mais à chaque page de son impressionnant roman sourd la révolte et éclate la volonté de vivre.
EAN
9782848052038
DATE PARUTION
07/04/2016
SUPPORT
Poche
PAGES
224
POIDS
0.155g