Vapore

Maria Salviati a soixante-douze ans, les garçons qui la croisent dans la rue l'appellent encore « l'institutrice ». Mais Maria est devenue une vieille femme, seule et obsédée par la peur de l'oubli. Elle répète sa vie à voix haute, comme « un petit poème appris par coeur », même si chaque jour un vers, une rime, s'éteint. Jusqu'à ce qu'un matin, Gabriele frappe à sa porte à l'improviste. Agent immobilier sorti de nulle part, il lui annonce que la vieille maison à la campagne, à une petite heure de Rome, a trouvé des acquéreurs potentiels. Les visites sont rares, et jamais les bonnes. Maria et Gabriele passent des journées entières à attendre, sur un banc, et à retracer ensemble l'histoire de cette vieille maison de briques, parce que « chaque maison est un labyrinthe et qu'il faut trouver la porte pour sortir et rentrer ». C'est ainsi que Maria peut enfin cesser de parler toute seule et réciter à quelqu'un le petit poème de sa courte existence, de l'enfance aux années les plus intenses de sa vie passée avec son mari Augusto, le magicien Vapore, sans grande envergure. « Immense conteur et immense menteur », il finira par disparaître (mais en est-on sûr ?) dans une mystérieuse affaire. Ils ont eu un fils, Pietro, rêveur et communiste. L'un ne jure que par le présent, la jouissance momentanée, sans se préoccuper d'un avenir et d'une société dont il soupçonne qu'ils ne lui apporteront rien ; l'autre ne jure que par l'avenir, la promesse politique d'un monde nouveau. Maria aurait voulu les protéger de leurs illusions comme de leurs petits et grands mensonges, les serrer dans la lucidité de son regard. Mais l'amour ne peut pas tout faire. Jusqu'à la révélation d'un secret dramatique. Vapore est un des plus beaux et des plus étranges récits de Marco Lodoli. Il est paru pour la première fois en français dans le volume Les Promesses(P.O.L, 2013).