Quitter psagot

Ce récit captivant commence dans un virage. La courbure d'une route à haut risque qui résume assez bien les caprices, les tours et détours de l'existence. Yonatan a grandi à Psagot, une implantation israélienne tout près de Ramallah en Cisjordanie. Ici l'atmosphère est lourde, travaillée par la peur de l'autre, l'Arabe, si proche et si lointain, dont on se protège arme au poing. A Psagot, malgré le carcan des commandements religieux et des règles strictes, comme partout ailleurs, la jeunesse remue dans les brancards, s'émancipe comme et tant qu'elle peut avant d'être rattrapée par le service militaire et son cortège de frayeurs...

La force de ce texte réside dans la formidable capacité de l'écrivain à interroger ce qu'il fut et ce qu'il est devenu, à donner une image sans romantisme d'un pays qui nous inquiète en utilisant les abondantes ressources de son écriture nette et précise. Il y a quelque chose dans sa démarche qui peut faire penser à "Retour à Reims" de Didier Eribon : déconstruire le souvenir pour en examiner les sources. Au-delà de la trajectoire d'un jeune homme qui décide de vivre sa vie, "Quitter Psagot" nous offre une vue imprenable et nuancée sur un monde clos souvent jugé durement et à la hâte par les israéliens eux-mêmes. Ce livre provoque dans l'esprit du lecteur un sentiment libérateur de fraternité. Oui, c'est ça, en refermant ce texte si fort, si beau, on ressent l'envie de serrer cet homme dans nos bras, comme un frère.