De notre monde emporté

Dans les années 1970-1980, Narval travaille sur les chantiers navals de La Seyne-sur-Mer. Ses années de jeunesse affirment la construction de son identité ouvrière, obéissant au précepte paternel selon lequel la récompense d'un travail bien fait ne vient que de l'effort. Malgré les heures subies dans la chaleur, le bruit, l'inconfort des postures, Narval puise sa raison d'exister dans l'évidence de ce tourment quotidien. Quand se répand le bruit de la fermeture des chantiers pour des raisons économiques, il continue, au côté de ses frères d'insalubrité, à pratiquer ce métier avec la même application, alors que l'amiante empoisonne lentement leurs corps. Jetés dans la précarité, visages agrafés et numérotés sur des dossiers de reclassement, contaminés aux plomb, benzène, hydrocarbures, fumées de métal et de bois, condamnés au nom d'un passé choisi et revendiqué, les voilà compagnons d'une même tragédie, déterminés à dénoncer au grand jour le mensonge entretenu dont ils sont les victimes au nom de la rentabilité. Le glas des chantiers ne sonnera qu'à la disparition du dernier d'entre eux. Dans un subtil mélange de lyrisme et de sobriété, Astolfi campe l'évolution politique et sociale de la France de l'époque à travers les désirs et les désillusions d'un homme habité par les rêves d'un père qui aura voué sa vie à ce monde emporté.