Fiche numéro : 43

Été 2023 - Gascar

Fiche n°43 – Juin 2023

Les bêtes de Pierre Gascar

Année de publication originale : 1953, Gallimard, collection L'imaginaire

Hanté par son expérience de captivité durant la guerre, Pierre Gascar apparente avec ces six nouvelles les souffrances du règne animal à celles de l'espèce humaine au travers d'un jeu de métamorphoses. Un palefrenier redécouvre son animalité en frappant des chevaux affamés par la guerre. Un homme-mannequin sert de proie à des chiens d'un chenil militaire. Des prisonniers affamés volent une partie de la viande destinée aux bêtes de la proche ménagerie qui, à leur tour, deviennent affamées ; c'est par la cruauté de ces hommes sur ces animaux que l'animalité fait retour en l'homme au point de le transformer en un être hybride. À l'image de ce jeune apprenti qui découvre sa vulnérabilité en s'identifiant aux veaux qui vont être tués par le boucher qui l'emploie, l'homme devient conscient de lui-même à travers le regard de l'animal qui lui renvoie le sien. Comme autant d'allégories zoomorphiques, presque fantastiques, ces nouvelles ne dénoncent pas tant la bestialité de la guerre que l'absence de fraternité des hommes pour les animaux, assimilée par l'auteur à une perte de solidarité des hommes entre eux. Un texte visionnaire pour repenser notre communauté de destin avec le règne animal.

L'auteur

Pierre Gascar, pseudonyme de Pierre Fournier, est né à Paris en 1916. Séparé de ses parents, il passe une partie de son enfance dans le Périgord qui nourrira pour longtemps sa fascination pour la nature. Engagé à gauche, sa captivité dans le camps de Rawa Ruska en Ukraine de 1940 à 1945 deviendra aussi la source de nombre de ses textes. Journaliste, dialoguiste, essayiste et romancier, il est l'auteur de 70 ouvrages et recevra cinq prix littéraires dont le prix Goncourt en 1953 pour Les bêtes. En 1972, il publie Le présage qui marquera les débuts d'une littérature qui mettra au centre la dégradation de l'environnement. Tombée dans l'oubli durant des années, on redécouvre aujourd'hui son œuvre dans le cadre d'une « écopoétique », car il est l'un des premiers romanciers français à rendre sensible et tangible l'interdépendance entre la condition humaine et les autres formes du vivant. Il décède en 1997.

Citation

« À chaque instant, la bête peut changer : nous sommes à la lisière. Il y a le cheval dément, le mouton rage, le rat savant, l'ours impavide, sortes d'états seconds qui nous ouvrent l'enfer animal et où nous retrouvons, dans l'étonnement de la fraternité, notre propre face tourmentée, comme dans un miroir griffu. »

Fiche rédigée par Patrick Amar