Le suaire Tome 1 : Lirey, 1357

Pour leur premier scénario en commun en BD, les auteurs et réalisateurs complices Jérôme Prieur et Gérard Mordillat (Jésus contre Jésus, Corpus Christi…), nous concoctent une histoire d'amour en trois tomes, qui se déroulent sur trois époques différentes, et qui évoquent les thèmes récurrents de leurs œuvres, que sont la religion, la croyance et ce que les hommes sont prêts à faire pour.
Ce premier volet se déroule en 1357 à Lirey en Champagne, où Thomas, prieur de la communauté, va tromper son monde en présentant un faux suaire au peuple afin de récolter des oboles pour la construction d'une abbatiale, avec la complicité forcée de Lucie, jeune religieuse tourmentée par son amour interdit pour son cousin, évêque de Troyes. En pleine guerre de cent ans et période de peste galopante, est aussi mis en avant la pratique des Flagellants, considérés assez rapidement comme des fanatiques et condamnés comme tels par les autorités de l'époque, et qui pensaient que la pratique de la flagellation leur permettrait d’expier leurs péchés, de manière à être acceptés au royaume des cieux après l’Apocalypse, comme un lointain écho à notre actualité proche ?
Et c'est Eric Liberge, expert s’il en est des corps et de la morbidité (voir sa magnifique série Mr Mardi Gras Des Cendres), qui en assure avec brio la mise en images, grâce à la méticulosité et la virtuosité de son dessin en noir et blanc et ses nuances de gris.
Pouvant lire cet épisode comme un one shot, on attend néanmoins avec impatience et curiosité les deux prochains tomes, qui garderont en fil rouge les trois personnages principaux, et se dérouleront en Italie au XIX° siècle, puis en Espagne au XXI° siècle.